636 - Lettre de Vincent van Gogh à Theodore et Jo - Auvers-sur-Oise le 21 mai 1890

Lettre (636) - Vincent van Gogh à Théodore et Jo

Auvers-sur-Oise - (le mercredi 21 mai 1890)


Mon cher Theo et Jo,

Dans l’autre lettre j’ai d’abord oublié de te donner l’adresse d’ici, qui est provisoirement Place de la Mairie chez Ravoux, puis lorsque je t’ai écrit je n’avais encore rien fait. A présent j’ai une étude de vieux toits de chaume avec sur l’avant-plan un champ de pois en fleur et du blé, fond de colline, une étude que je crois que tu aimeras. Et je m’aperçois déjà que cela m’a fait du bien d’aller dans le midi pour mieux voir le nord.
C’est comme je le supposais, je vois des violets davantage où ils sont. Auvers est décidément fort beau.
Tellement que je crois que ce sera plus avantageux de travailler que de ne pas travailler, malgré toutes les mauvaises chances qui sont à prévoir dans les tableaux.
C’est très coloré ici - mais comme il y a de jolies maisons de campagne bourgeoises, bien plus joli que Ville d’Avray, etc. à mon goût. Paraît que Desmoulins, celui qui fait le Japon, a été ici, mais est reparti. Si vers la fin de la semaine tu pouvais m’envoyer de l’argent, ce que j’ai me tiendra jusqu’alors, mais je n’en ai pas pour plus longtemps.
Je te demanderais également 10 mètres de toile, si cela ne te dérangeait pas, mais si puisque c’est vers la fin du mois cela te dérangerait, tu enverrais 20 feuilles papier Ingres.
Ceux-là il me les faudrait quand même pour ne pas perdre du temps. Il y a beaucoup à dessiner ici. Mon cher, réflexion faite, je ne dis pas que mon travail soit bien, mais c’est ce que je peux faire de moins mauvais. Tout le reste, relations avec les gens, est très secondaire, parce que je n’ai pas de talent pour ça. A cela je n’y peux rien.
Ne pas travailler ou travailler moins coûterait le double, voilà tout ce que je prévois, si on cherchait un autre chemin de parvenir que le chemin naturel travailler - ce que nous ne ferons guère. Tenez, si je travaille, les gens qui sont ici viendront tout aussi bien chez moi, sans que j’aille les voir exprès, que si je faisais des démarches pour faire des connaissances.
C’est en travaillant que l’on se rencontre, et ça c’est la meilleure manière. Suis d’ailleurs bien convaincu que telle est ton opinion et aussi celle de Jo. A ma maladie je n’y peux rien - je souffre un peu de ces jours-ci - c’est qu’après cette longue reclusion les journées me paraîssent des semaines,.
J’avais ça à Paris et ici aussi, mais le travail marchant un peu, la sérénité viendra.
Quoiqu’il en soit, je ne regrette pas d’être revenu et cela ira mieux ici. Serai bien content si d’ici quelque temps tu viennes un dimanche ici avec ta famille.
Tu verras bien que pour comprendre la campagne et la culture, ça ne fait que du bien de voir d’autres pays.
Mais je trouve presqu’aussi joli les villas modernes et les maisons de campagne bourgeoises que les vieux chaumes, qui tombent en ruines. Mmes. Daubigny et Daumier - à ce qu’on dit - restent encore ici, au moins je suis sûr que la première y reste.
Lorsque tu pourras le faire, tu m’enverrais pour un temps les exercices au fusain de Bargue, j’en ai absolument besoin, je les copierai pour garder pour de bon les copies.
Poignées de main bien cordiales,

Vincent.


Autre référence : Vincent van Gogh The Letters : (874)


Localisation : Amsterdam, Van Gogh Museum, inv. no. b685 V/1962


Source : Vincent van Gogh. Brieven aan zijn Broeder. Uitgegeven en toegelicht door zijn schoonzuster J. van Gogh-Bonger., Amsterdam 1914


Johanna Gezina van Gogh, née Bonger

(Amsterdam, 4 octobre 1862 - 2 septembre 1925, Laren, Hollande), est l’épouse de Théodore van Gogh et la belle-sœur de Vincent van Gogh.

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Lettre N°636 de Vincent van Gogh à Theo et Jo, d’Auvers-sur-Oise du mercredi 21 mai 1890…


Voir en ligne : Vincent van Gogh - The Letters

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